Axe 1 : Interdépendances, Réseaux de transport, Mobilités, Aménagement


Les modalités d’inscription des réseaux de transport dans les territoires renvoient à un questionnement ancien mais toujours renouvelé. Ces différents réseaux (ferré, routier, aérien ou fluvial) ont très tôt été reconnus dans la géographie économique comme de puissants organisateurs territoriaux. Mais si les raisonnements liant dotation en infrastructures de transport et croissance ont longtemps focalisé l’intérêt de la recherche, les impacts sociaux et environnementaux sont bien aujourd’hui au cœur des débats dans l’étude des systèmes de mobilité et leurs rapports aux territoires.

Dans cet axe, les interrelations entre réseaux de transport et territoires sont étudiées à travers différentes entrées aujourd’hui marquées par trois inflexions majeures : la transition environnementale et énergétique qui nourrit l’innovation technologique et vient bouleverser l’ensemble du cadre normatif, le renouvellement des approches dicté par les mouvements sociétaux, notamment celui du tournant « mobilitaire » qui place l'individu et sa perception au cœur du système de transport, et enfin, la révolution informationnelle. Reste alors à voir comment et jusqu’à quel point ces « transitions » interagissent pour redéfinir les termes du lien transport/territoire et comment leur prise en compte trouve une traduction à la fois dans les pratiques de l’aménagement et dans les démarches de compréhension des systèmes spatialisés de mobilité.
 

1. Questions de recherche

Le questionnement sur la relation territoire/transport s’articule plus précisément autour de trois entrées spatialisées que sont : le fonctionnement des nœuds intermodaux, la structuration des corridors de transport et l’adaptation des modèles spatiaux de l’évaluation socio-économique.

Les pôles d’échanges urbains ou ruraux s’imposent comme des éléments forts de l’espace public. Les modèles de l’intermodalité ne cessent de se complexifier sous l’effet de l’évolution des techniques (télé-billettique, information géo-localisée) ou l’irruption de nouvelles mobilités (transport public individuel, véhicules électriques et/ou en libre-service) et aux attentes des usagers (ambiances conviviales et rassurantes sans menace pour les libertés individuelles). Les événements récents (attentats, pandémies) ont exacerbé ces évolutions. L’efficacité pratique du transfert modal pour structurant qu’il soit, n’est ainsi qu’une grandeur parmi d’autres. La recherche qualitative est désormais centrée sur le confort et l’expérience multidimensionnelle du voyageur. Comment dès lors orchestrer la gouvernance intermodale des hubs de mobilité ? Répondre aux attentes variées et parfois contradictoires des opérateurs et des usagers dans un espace contraint à la propriété souvent éclatée est un défi où les innovations doivent se conjuguer et s’harmoniser. Les enjeux de concertation et de co-construction de tels lieux supposent au préalable l’observation fine des pratiques et l’évaluation des attentes du public dans des environnements urbains englobants, faisant appel à des méthodes mixtes (quantitatives et qualitatives).

Le terme « corridor » de transport est riche de significations comme un axe caractérisé par une concentration d’infrastructures et de trafic qui est susceptible d’être étudié à plusieurs échelles en articulant structuration spatiale à la gouvernance territoriale. Il peut se déployer à l’échelle métropolitaine pour la mobilité des personnes (cf. Transit-Oriented-Development (TOD) et s’applique au fret souvent à de plus vastes échelles. Si la référence est centrale dans les discours des aménageurs, la définition et surtout les mesures du « corridor » restent encore rares dans la littérature scientifique. Un des enjeux est dès lors de chercher à comprendre et à modéliser les corridors et leurs effets par un croisement systématique des approches et la transférabilité des analyses (par exemple, entre TOD et corridors de fret continentaux).

La troisième approche privilégie l’évaluation socio-économique des dynamiques territoriales par la modélisation. Les infrastructures de transport s’inscrivent dans des temporalités longues, dont il s’agit, à la fois, d’étudier les croissances et décroissances, les propriétés d’évolution, le principe de diffusion et de sélection dans les trajectoires différenciées des territoires afin de considérer leurs potentiels effets territoriaux, distinguant les effets directs, indirects et induits. Cette approche suggère le croisement de méthodes qualitatives et quantitatives, permettant d’identifier les dynamiques socio-économiques d’inertie différente et d’appréhender les stratégies d’accompagnement de l’évolution des infrastructures et services de transports par les acteurs territoriaux.

2. Approches mobilisées, verrous scientifiques

La compréhension des systèmes de mobilité dans leurs interrelations avec les territoires allie les approches qualitatives et quantitatives. Elle fait intervenir divers concepts-clés (nœuds, corridors, réseaux, échelles), des éléments théoriques plus ou moins formalisés (TOD, effets d'entraînement, congruence, jeux d’acteurs) et des modélisations variées (théorie des graphes, simulation multi-agents). Ces approches diffèrent fréquemment selon les disciplines, les échelles, les modes et les objets considérés. Or, jusqu’ici, les différentes approches dans l’interprétation ont de fait peu interagi. La construction d’approches interdisciplinaires constitue alors le verrou scientifique majeur de cet axe.

3. Résultats attendus

  • Recenser et expliciter la boîte à outils conceptuelle : les théories rendant compte de la dynamique des territoires par les systèmes de mobilité.
  • Assurer les transferts méthodologiques entre échelles spatiales et domaines des transports.
  • Engager un dialogue interdisciplinaire dans la perspective de la relation systémique territoire/mobilité. Réfléchir aux effets des échelles spatiales et temporelles et à leurs ajustements dans les approches retenues (notion de causalité, de trajectoire et de coévolution).